La fin de saison approche et vous avez des envies de rando au long cours : cela tombe bien, tant cette boucle visitant les endroits les plus secrets du massif du Mt Blanc est faite pour vous.
La neige se fait désormais rare dans les vallées, mais elle est heureusement encore abondante en altitude, bouchant désormais bien les crevasses, gage de sécurité.
Profitez donc de l’ouverture tardive du téléphérique des Grands Montets pour gagner sans autre effort que celui imposé à votre portemonnaie l’altitude mythique de 3297 m au top des Grands Montets, puis par les escaliers métalliques le col peu en dessous.
Le paysage grandiose des lieux ne doit pas vous faire oublier que l’évolution se fait désormais entièrement sur glacier, et que le minimum requis est de skier avec le baudrier installé sur vous (avec une longe + mousqueton à vis sur le pontet), le matériel de sécurité (broches à glace, système de moufflage) à portée de main, et un brin de corde de 35-40m dans le sac, sans oublier l’habituel pack DVA-pelle-sonde.
1er jour : col du Chardonnet et refuge-bivouac de l’Envers des Dorées
Ainsi parés pour toutes les éventualités, plongez alors en direction du plat du glacier d’Argentière pour 650m de dénivelé de neige décaillée à souhait (nous sommes sur une exposition plein Est) ou, si la chance vous sourit, d’une belle couche de poudreuse froide tombée dans la nuit…
Le col du Chardonnet (3223 m), 1ère étape traditionnelle de la haute route Chamonix-Zermatt est en face de vous, mais la nivologie à tellement changé que la montée traditionnelle rive gauche est devenue délicate et impose de progresser en crampons, skis sur le sac.
Progresser en rive droite est désormais plus aisé, pour autant que l’on choisisse un parcours « intelligent » évitant à la fois les cailloux pouvant tomber de la moraine latérale, rapidement plein soleil, et la chute potentielle des rares blocs de glace pouvant se détacher de la langue de glace terminale du glacier.
Le haut de la montée est plus paisible et l’arrivée au col débonnaire, l’altitude seule pouvant importuner ceux qui, par malchance, s’adaptent physiologiquement lentement (je vous parle là en connaissance de cause).
Du col, la descente sur le glacier de Saleinaz est la partie la plus technique du parcours : elle peut hélas « bouchonner » en cas d’affluence (mais, si vous m’avez bien lu, vous aurez dépassé tout le monde en optant pour la montée rive droite…).
Un ancrage (cordelette + anneau métallique autour d’un bloc) est installé au sommet, puis quelques relais se découvrent rive gauche. La solution généralement adoptée est de « mouliner » toutes les personnes en utilisant ces relais (2x corde de 40m minimum pour espérer passer la rimaye / niveau variable selon l’enneigement), le dernier descendant crampons-piolet en autonomie.
En bas, selon votre envie et la forme du jour, vous aurez le choix entre remonter par exemple vers le pied de la face NW de la Grande Lui pour profiter d’un surplus de belles combes plein Nord, ou de gagner directement le refuge-bivouac de l’Envers des Dorées en traversant de niveau à main gauche vers le pied des Aiguilles Dorées (15 minutes de remontée au refuge).
Ce bivouac refuge est l’un des plus beaux du massif, vraiment ! Propriété de la section Dent-de-Lys du Club alpin Suisse, il est conçu de façon extrêmement intelligente avec une partie publique toujours ouverte (11 places / lumière / couvertures / radio de secours / emporter réchaud et couverts) et une partie « privée » accessible seulement sur réservation (12-14 places) et bénéficiant de tout le confort : cuisinière à gaz, couverts, couettes (sac à viande obligatoire), et même en principe de boissons à disposition à la cave.
FS 15.-Euros la nuitée (E 4.- les bières ou coca): voilà de quoi adoucir un peu la précédente « douloureuse » de la montée en benne !
2e jour : retour par le col Droit et le col du Midi
Vous êtes ici au cœur d’un bassin glaciaire immense et complexe, avec d’innombrables possibilités de courses et autres variantes de retour en vallée, dons les plus connues sont certainement la fenêtre du Tour et le retour par le glacier homonyme, ou la mythique descente du glacier des Grands sur Trient.*
Pour notre part, avec mon collègue Christian Hug et nos 12 valeureux étudiants de l’Université de Genève, nous avons opté, foehn oblige, pour une visite « ventée » du bassin du Tour et le retour sur le refuge Albert 1er par le col du Midi des Grands, bouclant ainsi un magnifique circuit panoramique autour du Chardonnet.
La montée au col des Plines (nommé aussi col Droit), au-dessus du refuge, est une bonne mise en bouche pour la journée, avec la fin obligée skis sur le sac, avant que quelques virages et une immense arabesque en montée main gauche ne vous fasse visiter les versants helvètes des Aiguilles Dorées, de l’Aiguille Purtscheller et des Aiguilles du Tour, jusqu’au petit col en amont de l’Aiguille du Pissoir (3420 m environ).
Tout, désormais est affaire de descente et de belles traces, avec quand même le passage raide (et oui ; toujours en cause cette miséreuse affaire de retrait des glaciers…) et technique sous le col du Midi, aidée pour notre part par une main courante de 50m.
La plongée sur le refuge Albert 1er offre alors de vastes pentes très joueuses pour nos ZAG adorés, avant que, assez bas sur la moraine, le retour sur le village du Tour ne se fasse, pour une fois grâce au retrait du glacier, en obliquant à gauche entre séracs désormais bien aplatis (méfiance quand même ; gardez un œil là-haut !) et barres rocheuses, direction rive gauche du glacier du Tour et bas de la descente du col du Passon.
1970 m de descente (*) depuis le dépeautage du col du Pissoir jusqu’au bus-navette vous ramenant à Argentière : qui dit mieux ?
(*)Non comptés les virolets sur le plateau du Trient, soit bien plus de 2000 m de dénivellé négatif
Particularité : parcours d’altitude entièrement glaciaire / éléments techniques de descente en rappel et cramponnage à maitriser pour la descente du col du Chardonnet.
1er jour : montée 900m / descente 950 m
2ème jour : montée 550 m minimum (plus vous descendez bas sur le plateau du Trient) / descente + de 2000 m (idem)
Refuge bivouac des Dorées : refuge non gardé, réservation obligatoire pour la partie privée, prévoir des Euros ou Francs Suisse pour le payement (sinon : virement postal ou bancaire), refuge très soigné ; merci de le quitter dans l’état où vous l’avez trouvé !
Coordonnées du refuge : 569’780 / 092’100
Intendant du refuge : Gilbert Maillard / Ch. De Pérose 15 – CH – 1803 Chardonne/ g.maillard@hispeed.ch / 0041 21 921 85 50
Michel Piola